Nos régions Interview / Savanes : Quelles actions pour le droit des veuves dans l’héritage de leur conjoint ?

« Si chacun reconnaissait les droits d’autrui, et les droits sont appliqués, il n’y aurait pas réclamation en justice », d’après Mme Mathilde KANTATI–DJANGUENANE

Publié le lundi 4 juillet 2022, par Gabinho

Plusieurs sont ces veuves qui sont plongées dans des situations de vulnérabilité grave et ceci après le refus de leurs droits dans les belles familles une fois le conjoint décédé. Les droits des veuves font partis des droits humains et les droits humains sont universels et inaliénables ; la reconnaissance de la dignité des droits égaux pour chaque être humain constitue le fondement même de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde de façon générale et dans les communautés précisément. Les droits des veuves sont inscrits dans l’agenda de la communauté international en ce sens que depuis le 21 décembre 2010, la date du 23 juin de chaque année fut adoptée pour célébrer la journée internationale des droits des veuves. Ceci pour porter à l’attention de la communauté internationale sur la discrimination dont sont victimes des veuves dans le monde.
La vulnérabilité, est l’un des facteurs qui peut conduire à l’extrémisme violent ; l’ONG WILDAF Togo et ses partenaires sur le projet « Savanes Motoag » veulent radier sensiblement cette vulnérabilité dans le rang des femmes en général et les veuves en particulier dans ce dossier. Le projet « Savanes Motoag » est financé par Plan International.
Mme KANTATI–DJANGUENANE Mathilde, assistante sociale d’Etat, responsable du centre d’écoute et de conseils des violences basées sur le genre de Dapaong répond à nos questions sur « la part des veuves dans l’héritage de leurs conjoints ».

Telegramme228 : Qui est veuve ?
Mme KANTATI–DJANGUENANE : Dans le mariage, il arrive que le conjoint meurt et la conjointe survivante est appelée veuve ; au sens strict, il faut avoir un mariage civil avec ce défunt pour qu’on parle de droit successoral de la veuve, le mariage traditionnel n’est pas pris en compte, les mariages traditionnels sont reconnus par nos coutumes mais la forme légale du mariage au Togo définie dans le code des personnes et des familles est le mariage civil et c’est ce dernier qui est reconnu légalement.

Telegramme228 : Comment une veuve doit hériter sa succession ?
Mme KANTATI–DJANGUENANE : La veuve, pour hériter doit avoir ce mariage civil dont je viens de parler et ce mariage doit être valide au moment du décès du conjoint ; elle doit être vivante au moment de l’ouverture de la succession et ne doit pas être frappée d’indignité successorale (qui n’a jamais été condamnée par la justice comme auteur ou complice du décès de son mari). Si toutes ces les conditions sont réunies, la veuve hérite la part qui lui revient. L’article 428 du code togolais des personnes et des familles dit que « la veuve a droit au quart de la succession (héritage), lorsque le défunt laisse les enfants ou les descendants 2, ils viennent hérite du reste ». Tous les autres articles suivant précisent les autres conditions quand il n’y a de descendants ou d’ascendants sinon la veuve qui réunit les conditions hérite le quart des biens de son mari. Dans le cas de la polygamie et quel que soit le nombre de femmes du défunt, si toutes ces femmes sont légalement mariées, toutes ces femmes se partagent le quart des biens de leur mari. Lorsque le défunt laisse des biens mobiliers ou immobiliers, battis ou non battis (domaines terriens) la veuve hérite également de ces biens dans les conditions citées plus haut.

Telegramme228 : Cette question de succession ou d’héritage porte entorse à la cohésion sociale dans les communautés, que faire pour une bonne compréhension ?
Mme KANTATI–DJANGUENANE : La question est pertinente et chacun doit comprendre que les droits des veuves doivent être respectés, ce ne sont pas des faveurs qu’on leur fait. Un droit se respecte, se réclame et la loi s’applique quand la veuve réclame ses droits. Il ne faut pas que dans nos familles, les gens continuent à traiter les veuves comme des parias.
Elles ne sont pas allées acheter leur statut de veuve dans le marché ; les familles dans lesquelles cela se passe doivent aussi penser à leurs filles ou sœurs qui sont mariées et à qui la situation peut arriver. On va les déposséder ? On va leur interdire d’accéder à leurs droits ? Je crois que la sensibilisation doit continuer et par celles-ci, les veuves sauront qu’elles peuvent réclamer leurs droits. Parlant de la cohésion sociale, le fait même de ne pas reconnaître les droits des veuves constitue la source des problèmes ; si chacun à son niveau reconnaissait les droits d’autrui, et les droits sont appliqués, il n’y aurait pas réclamation en justice et à mon humble avis, il faudrait renforcer les actions de sensibilisation, amener les populations à être sensibles à cette problématique qui est réelle. Si la communauté internationale a adopté une journée spéciale pour les droits des veuves, c’est que cela est pertinent ; les doits ne se négocient pas, la perte d’un être cher est déjà traumatique, il ne faut pas ajouter ces discriminations pour aggraver les traumatismes de ces femmes. Les veuves et les orphelins sont des personnes vulnérables à protéger.
Il faut ajouter que l’épouse peut décéder avant l’époux et le mari peut aussi réclamer ses droits ; mais si la communauté internationale a adopté une journée pour les veuves, c’est parce que ce sont les veuves qui sont plus victimes des discriminations. Et dans nos communautés, les hommes veufs ne réclament pas, sinon, si un époux est régulièrement marié, il peut réclamer ses droits.
A notre niveau, on a jamais eu un seul dossier de plainte d’un époux réclamant sa part ; même pour les veuves, le taux de prévalence n’est pas si élevé car les femmes ont peur des violences qui suivent après les plaintes. Nos médiations aboutissent dès fois avec certaines familles qui acceptent facilement céder la part des veuves mais pour les familles qui résistent, on fait le transfert du dossier à la justice pour que la loi s’applique. Sinon beaucoup de veuves ont peur que la belle famille qui s’y oppose leur fasse du mal.

Telegramme228 : Quel conseil pratique pour que les veuves aient leurs droits ?
Mme KANTATI–DJANGUENANE : Rien d’autres que la compréhension sur les droits des veuves ; les veuves doivent réclamer et peuvent nous saisir ou saisir la justice pour que leurs droits soient respectés ; les gens doivent comprendre, le refus des droits aux femmes aggrave leur vulnérabilité, leur pauvreté. Il n’y a pas de date de péremption en la matière, si les conditions sont réunies, c’est un doit à réclamer.

V.G.(T228)