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Le problème du Togo n’est pas politique,... loin de là

Publié le vendredi 2 novembre 2018, par

J’en ai maintenant la certitude. Le Togo souffre et ce n’est pas à cause de la politique politicienne. Ce dont souffre les togolais c’est le manque de perspective, le manque d’opportunités, une situation économique exsangue.

Il suffit de voir ces images d’attroupements monstrueux de dizaines de milliers de ces jeunes qui font la haie dans les commissariats de police, dans les mairies et les préfectures... et surtout dans les Directions Régionales de l’Enseignement, pour les retraits de pièces ou le dépôt des dossiers de candidature au concours de recrutement des enseignants pour le public.

L’État souhaite embaucher 2000 enseignants supplémentaires, mais au finish c’est plus de 25.000 dossiers qui sont en passe d’être déposés de Lomé à Dapaong. Cet afflux massif, qui paraît sans précédent, témoigne d’une chose : la situation socio-économique du jeune diplômé togolais est au plus mal.
Il y a quelques leçons à tirer de cette situation :

 ces dizaines de milliers de jeunes sont tous des diplômés. L’une des conditions du concours c’est d’être titulaire d’un baccalauréat pour le niveau primaire, d’une licence pour le secondaire et d’une maîtrise ou Master pour le lycée. Il est donc clair que les candidats remplissent au moins cette condition. Le Togo regorge donc de milliers de jeunes diplômés qui n’ont aucune perspective, qui se cherchent encore sur le plan professionnel, qui ont un horizon bouché ; ""une bombe à retardement""...

 ces milliers de personnes n’ont jusqu’à présent pas d’emploi fixe ou n’ont qu’un ""job"" sous payé. Sinon comment comprendre que quelqu’un qui a un travail assez intéressant dans le privé, ou qui est à son propre compte et s’en sort plutôt aisément, cherche désespérément à se faire embaucher dans le public ? Sûre que ces jeunes sont pour la plupart des sous-employés, des ""conducteurs de taxi-motos"", bref de jeunes débrouillards comme on en rencontre des milliers dans nos rues. Pour eux, la fonction publique est donc un refuge où on a l’assurance d’un emploi stable et plus ou moins bien rémunéré.

 ces milliers de jeunes pensent toujours que l’État providence existe encore. Pour beaucoup de personnes, l’État est censé leur trouver du travail une fois leur diplôme en main. Voilà pourquoi beaucoup guettent les annonces de concours dans les journaux publics pour se faire embaucher. L’école a fait de ces jeunes des ""demandeurs d’emplois"" et non des ""auto-entrepreneurs"". Il est clair que le système de formation a échoué. Et les acteurs du domaine doivent réfléchir à quel genre de personnes ils forment.

Mais de façon générale, on retient de cette situation que le togolais n’a pas de ""problème politique"" mais son problème est plutôt ""socio-économique"". Ce que veulent fondamentalement les gens c’est vivre mieux, nourrir leur famille, épargner pour s’assurer un avenir...

C’est justement l’échec criard de la gouvernance actuelle. Sous le magistère du chef de l’État actuel, il n’y a pas une classe moyenne forte qui a été créée. On a un fossé abyssal entre les hyper riches (une centaine de milliardaires) et les pauvres (la majorité du peuple). Au milieu il n’y a qu’une poignée de personnes, généralement quelques jeunes cadres de sociétés publiques et accessoirement privées qui peuvent se targuer d’une situation financière stable. Cette classe du milieu est tellement dérisoire qu’elle ne peut pas booster la consommation de manière substantielle. Du coup ceux qui osent entreprendre n’ont pas de clients conséquents faute de moyens financiers pour consommer.

Il est tout de même dangereux pour la classe dirigeante d’avoir des jeunes diplômés qui se cherchent toujours. Et ce n’est pas des changements de non de programmes qui vont résorber le problème. DSRP, SCAPE et aujourd’hui PND, les noms changent mais les conditions de vie ne changent pas.

S’il n’y a pas un véritable plan Marshall pour offrir des opportunités aux jeunes, il y a de quoi craindre...

Samuel GNANHOUI