Infos Togo Interview / Extraction minière au Togo

Degguah Ehé Apao, chef traditionnel du village d’Apao Honou : « Nous ne demandons pas à l’Etat de faire le gendarme, mais de faire en sorte que les textes soient respectés »

Publié le vendredi 30 novembre 2018, par

De bout en bout, ils ont été là durant les trois jours de la 6ème édition du FSSTT (Forum Solidarités Sociales des Travailleurs du Togo), tenu à Kpalimé du 21 au 23 Novembre dernier, sur initiative de la SADD (Solidarité Action pour le Développement Durable) avec le concours de plusieurs de ses partenaires dont Solidarité mondiale et le RZMPS (Réseau Zonal Multi-acteurs de Protection Sociale). Eux, ce sont les chefs traditionnelles des communautés hôtes (dont Yoto et Vo) souvent victimes de l’exploitation des ressources de leur sous-sol au Togo. Dans cette interview accordée à notre rédaction, le chef traditionnel du village d’Apao Honou, dans le canton de Vogan, préfecture de Vo, Togbui Degguah Ehé Apao donne son avis sur ce forum qui s’est consacré à ce qu’ils vivent dans leurs localités diverses. S’il ne peint pas en totalité, en noir les efforts déjà entrepris par les pouvoirs publics, il sait néanmoins qu’il y a encore plus à faire pour que les entreprises extractives respectent leurs engagements et que les populations des communautés hôtes puisse jouir de leur droit…

Que retenir de ces trois jours de Forum ?
Nous avons eu beaucoup d’échanges. Ce que nous avons pu noter est que, en dépit de tout l’arsenal juridique mis en place tant au niveau des Organisation internationales, dont l’ONU, BIT... et au niveau de l’Etat togolais, malgré tout cet arsenal juridique, il est encore noté aujourd’hui au niveau du Togo, et de l’espace communautaire UEMOA/CEDEAO, des violations des droits humains liées au travail, ces violations également liées à ce qui se passe dans les entreprises minières dans cet espace-là. Au cours de ces travaux, nous avons pu disséquer tout ce qui est goulot d’étranglement du mieux vivre des populations riveraines de ces sites miniers. Nous avons proposé des approches de solution tant au niveau du gouvernement qui a mis en place l’arsenal juridique qu’il faut. Il en est ressort qu’il faudrait que l’Etat soit beaucoup plus regardant pour que ce qui est mis en place soit respecté au niveau des entreprises extractives des ressources minières.

Comment le drame des exploitations minières se ressent dans votre localité ?
Nous sommes riverains des installations de la SNPT qui exploite le phosphate dans le Vo et dans notre milieu précisément. Nous trouvons que sur le plan environnemental, il y a un certain déséquilibre qui se note aujourd’hui. Vous avez les montagnes et les lacs artificiels qui sont là et qui représentent beaucoup de menace pour l’écosystème. Nous avons noté qu’aujourd’hui, dans la mise en œuvre en principe du RSE, c’est à dire la responsabilité sociale de la SNPT, il devait y avoir certaines infrastructures à mettre à disposition des populations. Nous disons que tout n’est pas peint en noir, il y a des efforts qui ont été faits, mais des défis restent encore à être relevés, pour que les populations se sentent intéressés par l’exploitation du phosphate dans la zone. En principe, des populations riveraines d’une entreprise de cette taille qu’est la SNPT devaient jubiler sur tous les aspects du bien vivre sur l’espace où est exploité cet important gisement aujourd’hui.

Pourquoi ce fort engagement des chefs traditionnels à ce forum ?
Le chef traditionnel est certes garant des Us et coutumes mais il est une personne qui doit œuvrer aux côtés des populations pour le développement de son milieu. Les textes nous y autorisent. A ce titre les chefs traditionnels se doivent être porteurs des soucis que les populations ont. C’est ça qui nous a amené à nous engager dans cette lutte pas de façon musclée ni tapageuse, mais faire en sorte que l’on voit que les besoins sont là et qu’il fallait que l’on écoute avec une oreille attentive nos populations.

Quels messages aux populations riveraines, aux entreprises extractives et aux décideurs ?
Aux populations riveraines des sites des industries extractives des mines, nous disons que ce n’est pas la peine de criailler, d’aller provoquer d’aller diffamer, insulter. Lors que vous avez des soucis, allez vers la personne indiquée et posez clairement les problèmes que vous avez. Ainsi, sur la base d’une telle action, vous menez des discussions et toujours il y aura des solutions qui jailliront. Donc nous leur demanderons de garder leur calme, bien sûr qu’elles se diront lésées pour longtemps mais c’est un jour qu’elles auront gain de cause. Ça va arriver. Maintenant avec la prise de conscience de part et d’autre, nous restons serein et savons que d’un jour à l’autre, ou incessamment avec tout l’optimisme qui caractérise la chose dire que très bientôt, les soucis seront allégés, les résultats seront là et les populations se sentiront mieux.
Au niveau des industries extractives, nous dirons qu’ils ont signé des engagements. Que ces engagements soient respectés tant dans les droits de leurs travailleurs que dans la responsabilité sociétale qu’ils ont à honorer. Cela ne les fera que grandir, cela ne leur donnera que de la bonne image, pour elles-mêmes ces entreprises.
Et enfin au niveau de l’Etat, qu’il reste déterminé à lutter, parce que avant le bien-être des populations est l’affaire de ces populations, mais coordonné et entretenu surtout par l’Etat. Aujourd’hui, vous savez que, un certain nombre de mesures pour que les populations, qu’elles soient riveraines des sites d’entreprises minières ou pas, l’Etat s’en occupe, avec plusieurs actions mais que dans le domaine spécifique des entreprises extractives de mines, nous ne leur (l’Etat, ndlr) demandons pas de faire le gendarme, mais de faire en sorte que les textes mis en place soient respectés. Et quelques fois, quand il y a la carotte, il faut quelques fois le bâton à côté. Donc, prendre des mesures contraignantes envers certaines de ces entreprises-là qui vont souvent des violations des droits humains, ce qui n’est pas normal et ne fait pas partie des mesures politiques, économiques et sociales, en vigueur aujourd’hui dans notre pays pour le bien-être des populations en général au Togo.

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